Les acheteurs publics sont-ils tenus de solliciter plusieurs entreprises privées pour leurs achats dits "de faible montant" ? La demande de trois devis est-elle indispensable ou simplement optionnelle ? Cet article vous propose d'éclaircir la question en faisant le point sur la distinction entre obligation et nécessité.
Définition d’un achat "de faible montant"
Le code de la commande publique, ainsi que les récentes modifications apportées pour s’adapter à la crise sanitaire, précisent qu’un acheteur public peut conclure un marché sans publicité ni mise en concurrence, ce qu’on appelle un "marché de gré à gré", lorsque le besoin estimé est inférieur à certains seuils :
- 40 000 € HT pour les prestations de services, fournitures, et prestations intellectuelles,
- 100 000 € HT pour les marchés de travaux.
Ces seuils, notamment celui concernant les travaux, ont été rehaussés par la loi "ASAP" de 2020, visant à faciliter l’accès des petites et moyennes entreprises (PME) et très petites entreprises (TPE) à la commande publique, tout en simplifiant le processus pour les acheteurs. Cette mesure, initialement prévue jusqu'au 3 décembre 2022, a été prolongée jusqu’au 31 décembre 2024.
Mais cette simplification signifie-t-elle que les acheteurs peuvent choisir librement leurs prestataires sans aucune forme de mise en concurrence ?
Pas d’obligation de solliciter trois devis pour les achats publics
Pour les achats dont le montant est inférieur aux seuils mentionnés, il n'est pas imposé aux acheteurs publics de demander trois devis.
Toutefois, il est important de faire attention à certaines communications provenant du ministère de l'Économie et des Finances, et plus spécifiquement de la Direction Administrative et Juridique (DAJ) des marchés publics. Bien que cette instance ait plusieurs fois souligné l’absence d’obligation formelle, cette communication a parfois été exagérée.
Par exemple, il est inexact d’affirmer qu’une commande de faible montant n’est pas un marché public. En effet, même les petits achats sont considérés comme des marchés publics, quels que soient les montants impliqués. Le juge administratif a d’ailleurs rappelé que les demandes de devis relèvent de procédures adaptées, avec des critères d’évaluation et d’analyse des offres.
Le ministère a également répondu à une question parlementaire en précisant que la demande de devis n’est pas nécessaire pour des prestations simples ou standards, ou lorsque l'acheteur possède une connaissance approfondie du marché. Dans certains cas, il pourrait même suffire d’un devis oral pour éviter aux entreprises des charges inutiles.
Stimuler la concurrence, même pour les petits montants
Dès le premier euro dépensé, un acheteur public doit respecter les trois principes fondamentaux de la commande publique :
- Liberté d’accès aux marchés publics,
- Égalité de traitement des candidats,
- Transparence des procédures.
Même pour les achats de faible montant, il est essentiel de choisir une offre pertinente, d’assurer une gestion rigoureuse des deniers publics, et d’éviter de privilégier systématiquement le même fournisseur lorsqu'il existe plusieurs offres possibles.
Par conséquent, il n’est pas acceptable pour un acheteur public de copier un devis précédent ou de fixer des pénalités dissuasives pour écarter d’autres candidats, favorisant ainsi un prestataire habituel.
La vigilance des Chambres Régionales des Comptes (CRC)
Les CRC jouent un rôle crucial dans le contrôle des achats publics, en veillant notamment à la transparence et au respect des procédures. Elles relèvent parfois des irrégularités, comme l'absence de formalisation des besoins ou le recours systématique à un même prestataire.
Un exemple fréquent est celui où un devis est accepté sans contrat écrit, ou encore où les conditions de vente standards d’un fournisseur ne respectent pas les obligations des acheteurs publics, notamment en matière de délais et de pénalités.
Conclusion
La demande de devis n’est pas un dogme rigide dans la commande publique. Si elle peut ne pas être obligatoire, les acheteurs publics doivent néanmoins rester attentifs aux principes de concurrence et de transparence. Dans un prochain article, nous aborderons les pratiques des acheteurs publics en matière de marchés, souvent favorables aux PME et TPE.